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Ma première convention, “In the Real Life”

Du 11 au 13 novembre 2016 avait lieu sur le très grand site de Tour & Taxis l’International Brussels tattoo convention.

Avec près de 400 artistes tatoueurs venant du monde entier, tous les styles de tatouages étaient représentés ; Japonais Tebori, Polynésien, Old school, Néo trad, Dotwork, Black & grey, Géométrique, Graphique, Abstrait, Watercolor, Réaliste, Portrait, Avant garde…Il y en avait pour tous les goûts.

De nombreux concours étaient organisés chaque soir dans plusieurs catégories afin de récompenser les tatouages les plus réussis. Des stands, des concerts, des spectacles burlesques-pas-pour-les-enfants et tout plein d’animations divertissantes nous promettaient par ailleurs un week-end grandiose.

J’avais prévu depuis quelques semaines d’y aller, ayant repéré un tatoueur dont j’affectionne particulièrement le travail ; Jay Freestyle.

Son agenda était bouclé plus d’un an à l’avance, et affichait également complet pour la convention. Mais je ne perdais pas espoir d’un désistement et suivais assidument l’actualité de l’artiste et de l’évènement sur les réseaux sociaux… Grand bien m’en fasse, car à une semaine de la date fatidique, Jay posta un message sur sa page Facebook indiquant qu’il avait un désistement pour la journée du samedi 12 novembre… Je saisis aussitôt ma chance et lui envoyais une salve de messages, lui disant ô combien j’admire son travail, combien j’aime ses portraits graphiques de geisha, et pourquoi il devait me choisir moi, n’osant trop espérer être l’heureuse l’élue, mais croisant tout de même fortement les doigts…

Assez rapidement, Jay me répondit que mon projet l’intéressait et qu’il me donnait rendez-vous la semaine suivante à Bruxelles. Halléluiah, Dieu existe ! Enfin, j’étais exaucée.

Pendant la semaine, je préparais mon week-end, le coeur battant. Je n’en étais pas à mon premier tatouage mais je ne connaissais des conventions que les lives vus sur Facebook et je naviguais à vue.

2 jours avant la date fatidique, je tombais malade. Une bonne angine. Avec de la fièvre, sinon c’est pas drôle. J’étais HS mais rien n’aurait pu m’arrêter : je vidais mon PEL, trouvais un petit hôtel pas très loin de Tour & Taxi et partais la veille pour arriver aussi fraîche et dispo que possible au rendez-vous.

Le samedi matin, 11h pétantes, la goutte au nez, à la fois excitée comme une puce et dans un état second, je me dirigeais vers le stand de Jay. Il était là, m’attendant dans un petit espace sommaire composé d’une minuscule table, de deux petites chaises, d’une lampe et de quelques affiches. Je m’attendais à un endroit un peu plus cosy, moins confiné, mais j’en avais vu d’autres : je ne suis pas une princesse.

Après des salutations empreintes de timidité, Jay m’examina de la tête aux pieds et me demanda ce que je souhaitais. Je savais pour l’avoir souvent lu qu’en bon adepte du freestyle, il aimait avoir une grande liberté de création. Aussi répondis-je que je souhaitais un portrait de femme, de préférence sur un bras. Je le laissais choisir l’emplacement exact et après plusieurs minutes passées à m’observer minutieusement sous toutes les coutures, il arrêta son choix sur mon avant-bras gauche.

Après deux heures de préparation, création et pose du stencil, il était temps de commencer. Jay participait aux concours et avait remporté la veille la 3ème place dans la catégorie “best of friday”. Aujourd’hui, on rempilait pour gagner dans la même catégorie. Il restait à Jay environ 8h pour réaliser la petite merveille qui ornerait mon bras et qui, éventuellement, lui permettrait de remporter un nouveau prix. Concentré, entièrement dévoué à son art, le maestro levait à peine le nez de son aiguille, regardait tout juste les personnes qui venaient le saluer. Il ne prit pas le temps de boire un verre ni même de manger une frite, ce qui, à Bruxelles, pouvait être considéré comme un véritable affront.

Mickaël, son manager, “a good coach”, passait régulièrement pour vérifier que tout allait bien et me ramener un coca bien frais et des mouchoirs, afin d’éviter que je ne sombrasse.

A 17h, n’y tenant plus, je réclamais une pause pipi, et en profitais pour aller m’acheter des bonbons. J’allais avoir besoin de forces et de munitions pour tenir jusqu’au soir. A la reprise, je proposais quelques bonbecs à Jay, afin qu’il garde la forme, dans son intérêt comme dans le mien. Il accepta et je lui donnais maternellement la becquée pendant qu’il me piquait ; pas question pour lui d’enlever ses gants et de poser 5 minutes. “Quel artiste admirable”, pensais-je.

Au fil des heures, le tatouage prenait de plus en plus forme, mais la douleur commençait à poindre sourdement. Impossible toutefois de s’arrêter, le tatouage devait être terminé à temps pour le concours. Heureusement, j’avais l’appui de Mickaël et de nos voisins Hollandais, amis de Jay, qui faisaient leur mieux pour détourner mon attention de la douleur.

Entre deux éternuements, je demandais à Jay si c’était bientôt fini, tel un enfant sur le chemin des vacances qui demande toutes les 5 minutes à quelle heure on arrive. Pleinement consciente de ma chiantattitude, j’étais à bout de force et si j’avais réussi à jouer les dures à cuire pendant une bonne partie de l’après midi, je sentais mon masque fondre comme neige au soleil.

Jay, lui aussi fatigué mais déterminé coûte que coûte à terminer son oeuvre, continuait, imperturbable, à m’encrer d’une main à la fois sûre et rapide, une main de maître guidée par un esprit éminemment créatif, maitrisant parfaitement la droiture du trait, le choix des couleurs et la subtilité des dégradés. Tout en serrant les dents, je savourais mentalement le bonheur d’être tatouée par un artiste que j’admire tant, et d’avoir la chance d’emporter avec moi son oeuvre advitam eternam.

Jay termina LE tatouage à l’heure, et nous attendîmes bien sagement la fin de la soirée pour le concours du “best of day”. A l’appel de mon numéro, je montais sur le podium et, arborant fièrement mon fabuleux tatouage,  me dirigeais d’un pas sûr vers le bureau du jury. Ces derniers inspectèrent quelques instant mon tattoo, puis l’un deux désigna les jolies fleurs aux fins contours et demanda,  une once de mépris au coin des lèvres :

“Is it finish ? “

Je crû mal comprendre et le fit répéter plusieurs fois, tout en me demandant s’il était sérieux ou s’il le faisait exprès. Mais il était bien sérieux… Il ne comprenait pas que les fleurs ne soient pas remplies. Je tentais de lui expliquer que c’était une affaire de contraste. Un autre membre du jury me regarda d’un air contrit, me glissant que le tatouage était magnifique : peine perdue.

Nous ne gagnâmes aucun prix ce soir là, mais personnellement je m’en moquais bien, car je repartais avec la plus belle des oeuvres sur la peau et un hug de mon idole. Heureuse, quoi.

Pour les courageux qui ont lu l’article jusqu’au bout, petite surprise : je mettrai prochainement en ligne une interview exclusive de Jay Freestyle ! Chouchou.

 

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